Guillaume Lavigne

Peintre Graveur

Les épiphanies de Guillaume Lavigne

by thebouc on 5 avril 2024, no comments

Les épiphanies de Guillaume Lavigne


Voilà plus de vingt ans ans que Guillaume Lavigne peint et grave. Des formes et des volumes. Des
êtres et leurs enveloppes. Des visions denses, très personnelles. À l’huile et à la gouache. À l’eau-
forte et à l’aquatinte. Sur le papier et sur la plaque de métal. Au pinceau et à la pointe sèche. Vingt
ans que, comme des dons chuchotés, l’artiste nous offre ses épiphanies.

Des vêtements qui flottent dans l’espace comme des souffles. Des vêtements au vivant volume,
suspendus dans l’air comme des statues envolées. Vestes et vareuses tout en poches et en modelé,
en pâte et en transparence. Uniformes militaires nous parlant de l’une de nos guerres, bleu noir,
garance, soutaches et galons. Enveloppes de corps invisibles et obsédants. Fantômes
impressionnant notre œil de leur présence. L’artiste aime la sculpture. Sa peinture et sa gravure
nous le disent.

Un pichet jaune, massif et monumental, à l’autorité de statue. Un monument en soi, un roc façonné,
un phare. C’est à la vue de ce pichet que pour notre part nous avons su que Guillaume Lavigne
était un artiste. Toute différente, une enveloppe de papier tremble sur sa toile, chose à l’être
fascinant et doux. Cosa mentale autant que chose matérielle et physique. Des choses qui sont des
êtres, voilà ce qu’excelle à représenter l’artiste.

Une ronde de fruits interrompue et reprise. Avocats, coings et coloquintes, grenades, kakis peints
et gravés, les deux arts figurant pour l’artiste deux voies convergentes, deux façons
complémentaires d’interroger le monde. Dans cette convergence de la peinture et de la gravure, le
jus flottant de l’aquatinte renvoie à l’acte de peindre quand le trait de l’eau-forte, lui, renvoie au
dessin. Décidément, les voies de l’artiste sont cohérentes.

Le monde de Guillaume Lavigne est d’une simplicité complexe. Si ses formes et ses volumes, ses
êtres et ses visions existent avec la simplicité de l’évidence, cette évidence est complexe. Ses fruits
détachés sur leur fond monochrome sont autant l’idée d’un fruit, révélation épurée de l’être, que sa
matérialité physique, sa chair et son poids, son odeur, son jus, ses pépins.

À Ivry, sur un mur de l’atelier, dans la lumière d’un après-midi de janvier sont réunis les realia du
peintre, sept petites toiles qui sont les dernières nées de ses œuvres. Pinceaux dans un pot, brosses
et tubes isolés sur un fond troublant. Peinture dans la peinture, peinture de la peinture. Autoportrait
du peintre réfracté en ses outils et en sa création.

Ces toiles intimes, au plus près de lui, de son quotidien et de son métier, de son être et de ses rêves,
de ses certitudes et de ses recherches, on les attendait. Depuis longtemps on attendait de faire leur
connaissance. Elles ont la gravité des œuvres essentielles. On y sent l’artiste à l’aise. Son regard
posé sur son quotidien atteint à une intensité nouvelle. En fixant les quelques objets comptés qui
le relient le mieux au monde, il ne manque pas de se livrer. Ces pinceaux au garde-à-vous, ce tube
de peinture écrasé par un pouce qui ne doit pas être loin, ces brosses plus ou moins lourdes et plus
ou moins soyeuses magiquement épinglées sur le vide, autant de révélations. De l’intimité que
l’artiste entretient avec la création.

Vincent Simonet